Mort d'un grand nom de la photographie

RIP Sebastao Salgado

C’est une page majeure de la photographie contemporaine qui se tourne. Jusqu’à Sebastião Salgado, on pensait que l’exposition « The Family of Man » d’Edward Steichen, portrait rassembleur de l’espèce humaine conçu en 1955, resterait à jamais la plus populaire du monde avec ses dix millions de visiteurs. Mais le Franco-Brésilien superstar de la photographie a fini par détrôner son aîné avec « Genesis », une ode en noir et blanc à la beauté d’une planète encore intacte, avant l’action destructrice de l’homme. Avec ses pingouins gracieux et ses forêts inextricables, l’exposition fait le tour du monde depuis plus de douze ans. De fait, par leur vision universelle, ces deux projets ont beaucoup en commun : une foi profonde en l’humanité… et en ce qu’il nous reste à préserver.

Le 23 mai 2025, Sebastião Salgado s’est éteint à Paris à l’âge de 81 ans. Et avec lui, c’est un regard qui disparaît. Un regard qui ne cherchait pas à choquer, mais à éveiller. Un œil qui savait voir là où d’autres détournaient les leurs.

L’éveil d’un témoin

Né le 8 février 1944 à Aimorés, au Brésil, dans une ferme de l’État du Minas Gerais, Salgado n’était pas destiné à devenir photographe. Formé comme économiste, il découvre la photographie à 30 ans, et c’est une révélation. L’appareil devient alors une extension de lui-même, un moyen de traduire en images les fractures du monde.

Dès les années 1980, ses séries marquent : « Workers », « Sahel », « Exodus ». Des chantiers de soufre aux mines d’or du Brésil, des camps de réfugiés au Rwanda aux flux migratoires planétaires, il documente l’effort, l’exil, la douleur… mais toujours avec dignité. Ses clichés en noir et blanc deviennent sa signature, sa lumière, sa manière de dire la vérité sans l’abîmer.

Un humaniste radical

Salgado n’était pas un photographe de guerre. Il était un photographe de paix, mais de paix arrachée au chaos. Il croyait à la capacité de l’image à changer les choses. Il refusait la neutralité. Son travail interrogeait autant qu’il accusait, sans jamais sombrer dans le cynisme. Comme Steichen avant lui, il croyait à une humanité possible, réconciliée, debout malgré les tempêtes.

Avec son épouse, Lélia Wanick Salgado, il fonde en 1998 l’Instituto Terra, une fondation vouée à la reforestation de sa région natale. Là encore, il ne se contente pas de témoigner. Il agit. Et redonne vie à une terre que beaucoup croyaient perdue.

Une œuvre, un héritage

Avec « Genesis », Salgado bascule de la dénonciation à la célébration. Il montre un monde encore vierge, un Éden en sursis. Là où « Workers » témoignait de l’exploitation, « Genesis » rappelle ce qu’il reste à sauver. C’est une œuvre au souffle épique, qui convoque la beauté comme ultime forme de résistance.

Exposé dans les plus grands musées du monde, salué par les plus hautes distinctions (Légion d’honneur, Praemium Imperiale, prix Princesse des Asturies…), Salgado était plus qu’un artiste : il était une conscience.

Dans un monde saturé d’images, il en était un qui photographiait en silence mais parlait fort. Sebastião Salgado nous laisse des milliers de clichés… et une seule injonction : ouvrir les yeux, et ne plus jamais les refermer.

Mort d'un grand nom de la photographie
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Marius