Un tsunami sur le Web

Une réflexion sur la place de l’IA dans la société numérique contemporaine

A voir, perso, je vais le revoir... Un super tour de vue de ce qui peut se passer avec IA, quelque peu anxiogène entre Terminator et black Mirror qui est de moins en moins de la science fiction - Citizen lab, Pegasus, armement lethal, etc.

Le documentaire d'arte TV « L’intelligence artificielle, un tsunami sur le Web » dresse un constat lucide : les technologies d’IA ne se contentent plus de transformer nos outils, elles redéfinissent nos manières de penser, de créer et de communiquer. À travers de nombreux témoignages et exemples, le film explore les effets de cette révolution technologique sur la société, les institutions et la culture.

Pour éclairer ce phénomène, la pensée du théoricien canadien Marshall McLuhan offre une grille de lecture précieuse. Ses analyses des médias comme prothèses de l’humain, ainsi que sa célèbre maxime « le média, c’est le message », trouvent ici une résonance particulière.

L’IA, nouveau média global

McLuhan considérait chaque technologie comme un prolongement des sens humains. Dans cette perspective, l’intelligence artificielle peut être perçue comme un média total, prolongeant la perception, la mémoire et même la créativité.
L’émission d’Arte met en évidence cette extension : les algorithmes d’IA analysent d’immenses quantités de données, prédisent des comportements, produisent des textes ou des images. Ce faisant, ils modifient en profondeur les conditions mêmes de la communication.

Loin d’être un simple outil, l’IA devient un environnement cognitif où l’information circule, se transforme et agit en temps réel. C’est dans ce sens qu’Arte évoque un « tsunami » : une onde de transformation qui submerge l’ensemble du web et, avec lui, nos représentations du monde.

La tétrade de McLuhan appliquée à l’intelligence artificielle

Pour analyser l’impact d’un média, McLuhan proposait une méthode en quatre questions, connue sous le nom de tétrade des effets médiatiques. Appliquée à l’IA, cette approche met en lumière les dynamiques profondes décrites dans le documentaire.

1. Que l’IA amplifie

L’intelligence artificielle amplifie la capacité humaine à traiter et interpréter des volumes de données. Elle augmente la vitesse, la précision et la personnalisation des interactions numériques. Dans le film, cela se manifeste par des exemples concrets : tri automatisé d’informations, diagnostics médicaux assistés, ou recommandations de contenus en ligne.

2. Ce qu’elle rend obsolète

Toute innovation rend certaines pratiques caduques. L’IA relègue au second plan certaines formes d’expertise ou de médiation humaine : la sélection d’informations par un journaliste, l’analyse de tendances par un chercheur, ou la créativité artisanale dans les arts visuels. Le documentaire souligne ce déplacement du rôle humain, parfois perçu comme une perte de sens ou de contrôle.

3. Ce qu’elle récupère

L’IA récupère des imaginaires plus anciens : celui de la machine pensante, de l’automate, ou du savoir collectif partagé. Elle réactive aussi des formes de surveillance et de centralisation de l’information qui rappellent d’autres révolutions médiatiques. Dans le prolongement du panoptique, l’IA actualise le rêve – ou la crainte – d’une connaissance totale du monde.

4. Ce qu’elle renverse

Poussée à l’extrême, la technologie finit par se renverser : ce qui était aide devient contrainte. Le film met en garde contre cette inversion : la dépendance croissante aux algorithmes peut transformer l’outil en système de contrôle. Ce retournement illustre pleinement l’intuition de McLuhan : chaque média finit par produire son contraire.

L’IA comme environnement social

Le documentaire insiste sur le fait que l’IA ne se limite pas à des usages techniques : elle recompose les rapports sociaux. Les systèmes d’intelligence artificielle orientent les décisions politiques, les stratégies économiques et les comportements culturels.
Dans l’esprit de McLuhan, cela revient à dire que l’IA est un milieu, non un objet. Elle modèle la perception du réel, influence le débat démocratique et redéfinit la frontière entre information et désinformation.

La question de la surveillance y occupe une place centrale. Les algorithmes ne se contentent plus de collecter des données ; ils les interprètent pour anticiper les actions humaines. Cette capacité prédictive, vantée pour son efficacité, interroge néanmoins les fondements de la liberté individuelle.

Entre fascination et inquiétude

L’un des mérites du documentaire est de refuser les positions extrêmes : ni technophobie, ni technolâtrie. Il montre une tension permanente entre promesse d’émancipation et risque de dépossession. Sous le prisme mcluhanien, cette tension n’est pas une dérive, mais la nature même du média. Tout progrès technique implique une redéfinition de l’humain. L’IA, en cela, apparaît comme le miroir de nos propres contradictions : le désir de puissance et la peur de la perte de sens.

Une lecture nécessaire à l’ère numérique

En revisitant les réflexions de Marshall McLuhan à la lumière des technologies contemporaines, le documentaire d’Arte trouve une portée philosophique rare. Il ne s’agit pas seulement d’analyser une innovation, mais de comprendre un changement de paradigme : celui d’un monde où les médias ne se contentent plus de diffuser des messages, mais deviennent eux-mêmes des acteurs.
L’intelligence artificielle, comme l’avait pressenti McLuhan pour la télévision ou le numérique, ne modifie pas seulement ce que nous faisons ; elle transforme ce que nous sommes.

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Marius